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L'incroyable histoire de Peter Munk, devenu le premier producteur mondial d'or.
Elko, perché sur un plateau désertique du Nevada, est un drôle d'endroit. On y croise des cow-boys qui parlent basque, descendants de bergers venus s'installer dans la région au début du XXe siècle. On y trouve des maisons de passe qui acceptent la carte bancaire, une exception culturelle dans un Etat où toute commune de moins de 400 000 habitants peut autoriser - et taxer - la prostitution.
On y construit aussi des logements à tour de bras. Et ça, c'est à la nouvelle ruée vers l'or qu'on le doit."La ville que la récession a oubliée", a titré la presse américaine. 80 % de la production d'or des Etats-Unis vient du Nevada, et principalement des environs d'Elko."Ici, chaque fois que le cours de l'or franchit un cap, je fais un article", raconte Adella Harding, la spécialiste au très local Elko Daily News. Le 20 avril, lorsque l'or a passé la barre des 1 500 dollars l'once, elle faisait la une."Les misères budgétaires du Portugal, la crise du Moyen-Orient ou la dette américaine, on suit ça de très loin ici, mais on sait que ça contribue à nos affaires !"
Dans la mine, le salaire moyen s'établit à 4 500 euros par mois. La richesse... Derrière le comptoir du Star, le restaurant le plus renommé de la ville, Scott Ygoa accueille les clients. A 44 ans, il a acheté le restaurant après avoir travaillé pendant seize ans dans une des mines de la région : "C'est l'or qui m'a permis d'avoir cet endroit." L'or, et la compagnie minière qui l'a employé, Barrick Gold. Le géant canadien exploite cinq mines dans la région, dont deux énormes, Goldstrike et Cortez. Entre Elko et Barrick, c'est vingt-cinq ans d'une riche histoire. Un destin hors du commun. Mais ce n'est pas à Elko qu'on rencontre le fondateur de Barrick Gold, Peter Munk.
Pour cela, il faut aller dans le Wall Street canadien, sur Bay Street, à Toronto."Dans ma vie, j'ai dû visiter deux mines", raconte-t-il. Il en possède la bagatelle de vingt-sept, ce qui fait de son empire la première compagnie productrice d'or du monde et de lui un multimilliardaire. Mais il insiste : "Franchement, la mine, je n'y connais rien ; ou plutôt, je sais une chose : il n'y a rien de pire qu'une compagnie minière dirigée par des miniers." A 83 ans, il ne dirige plus la compagnie au jour le jour, mais il en préside toujours le conseil d'administration et participe aux décisions stratégiques. Seule l'ouïe trahit l'âge ; la mémoire est intacte, comme l'enthousiasme, et cette façon qu'ont ceux qui ont vraiment réussi de vous expliquer que c'est la chance qui a tout décidé. Son histoire est celle d'un destin hors du commun.
Barrick est sa troisième vie professionnelle, et la troisième fois qu'il fait fortune. Né en Hongrie dans une famille juive très aisée, Peter Munk fuit vers la Suisse alors qu'il est adolescent, en 1944. Son grand-père a acheté des places dans le fameux train Kastner, qu'Adolf Eichmann laissa passer en échange de diamants et d'or. De Suisse il émigre au Canada, y fait des études d'ingénieur et lance, à 30 ans, ce qui deviendra en quelques années la marque la plus branchée de téléviseurs et chaînes hi-fi en Amérique du Nord, Clairtone.
Le succès est fulgurant."Avec mon associé David Gilmour, nous étions des golden boys ici, raconte Munk.Une compagnie canadienne faisait la nique aux géants états-uniens du secteur ! On avait tout : l'argent, le succès, des top-modèles partout." La chute sera brutale. Neuf ans après son lancement, Clairtone fait faillite. Les deux fondateurs sont attaqués pour délit d'initié. Ils seront blanchis, mais partent en Australie. En dix ans, les deux hommes montent la plus grande chaîne d'hôtels du Pacifique sud.
Cette fois, l'aventure se termine bien. Ils vendent la société et empochent des centaines de millions de dollars. Munk a alors 53 ans, toutes les luxueuses villas, yachts et avions privés dont peut rêver un homme."Mais je voulais revenir au Canada et y réinvestir pour prouver que je n'avais rien fait de mal." Munk l'immigré voulait que ses enfants soient canadiens."Rien ne l'énervait plus qu'on lui dise pour son accent : "Vous êtes hongrois"", raconte une de ses filles, Nina Munk, journaliste économique aux Etats-Unis. Comme pour souligner encore son attachement au Canada, Munk décide d'investir dans le plus canadien des secteurs : les matières premières. On est au début des années 80, au plus fort de la crise pétrolière. Lorsqu'il crée Barrick, il commence par investir dans les hydrocarbures."C'était une idée idiote : les investissements étaient hors de prix. J'ai commencé à m'apercevoir que mes millions n'allaient pas durer longtemps."
A l'époque déjà, Munk passe ses hivers en Suisse."Là, tous mes amis banquiers m'expliquaient doctement que l'or était mort. Les banquiers sont tellement moutonniers ! Du coup, je suis rentré à Toronto, j'ai convoqué mon conseil d'administration et je leur ai dit : il faut aller dans l'or." Barrick devient donc du jour au lendemain une compagnie minière avec l'acquisition d'une petite entreprise, Camflo Mines. Première acquisition d'une très longue liste qui va faire de Barrick, vingt-cinq ans plus tard, le leader mondial. Munk est d'abord un fantastique deal maker."Notre père n'a jamais été un manager normal, partant au bureau la journée et revenant pour boire son scotch à la maison, dit sa fille Nina.Toute notre enfance, nous avons vécu au rythme des deals. En vacances, sur notre bateau, il fallait toujours s'arrêter dans un port pour téléphoner et prendre des nouvelles de négociations en cours." Des spécialistes de la mine et les meilleurs, qu'il paie bien, gèrent les opérations au jour le jour.

Barrick Gold 2