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Lors d'une visite à l'hôpital, il assista à l'ouverture d'enveloppes contenant  nombre de chèques et mandats postaux destinés à une campagne de financement de  l'hôpital. Ce fut la révélation. Il se procura l'adresse d'une agence spécialisée  où il acheta une liste de noms de personnes contribuant à des organismes  charitables. Il engagea une équipe de bénévoles et se mit à écrire à toutes ces  personnes, leur racontant les difficultés de la pauvreté de ses paroissiens. 
Il  reçut bien plus d'argent qu'il n'en avait espéré. Il consacra 2% des dons  à des oeuvres de charité véritables et répartit le reste sur 91 comptes bancaires,  en investissant dans  des sociétés immobilières  et des certificats d'épargne. Il acheta aussi neuf maisons. Désormais  habillé par les meilleurs tailleurs de  Londres, il roulait en voiture de luxe. Plusieurs fois par année, il s'offrait  de longues croisières en paquebot. 
Quand on lui demandait comment il faisait,  il répondait qu'il avait hérité. Il persuada même son frère de se porter  acquéreur d'un comptoir postal où il pouvait changer ses mandats sans attirer  l'attention. Mais son train de vie l'a trahi et Scotland Yard s'est intéressé  au patrimoine du quidam. 
La police a été surprise de trouver de nombreux classeurs, des  fichiers  et des registres de  comptabilité. Il fut prouvé que notre Révérend achetait un million d'enveloppes  par année ! Il aurait expédié 200 000 demandes d'aide par année  pendant 14 ans. Il était en fait à la tête du plus grand réseau de mendicité  mis au point par un seul homme. 
En 1942, il avait reçu plus de  200 000 £ (deux cent mille livres anglaises de l'époque valent  aujourd'hui plus de trois millions de dollars) provenant de campagnes de charité  publique. 
Et il en avait conservé la plus grande part. Condamné à trois ans de  prison, il fut libéré à cause de son état de santé. En voilà un qui avait  choisi le paradis avant la fin de ses jours.