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Trésors cachés en France

Chaque année, 70 000 Français parcourent l'hexagone à la recherche de fortunes enfouies. Nos reporters sont allés enquêter sur quelques lieux mythiques. Ils n'en sont pas revenus plus riches. Les mystères demeurent, pour longtemps?

Par un bel après-midi d'automne, dans une propriété des Yvelines, un ouvrier fait une fausse manoeuvre avec son camion. Il endommage le pilier en pierre qui soutient la grille de l'entrée. Inquiet, il s'approche pour mesurer l'étendue des dégâts. Quelle n'est pas sa surprise de voir dégringoler une pluie de pièces d'or neuves, à l'effigie de Louis XV et de Louis XVI! Le magot avait été caché là, pendant la Révolution, par un aristocrate qui craignait la mise à sac de ses biens par les sans-culottes. Comme le prévoit la loi, l'ouvrier et le propriétaire des lieux se sont partagé cette fortune inespérée.
Le mois dernier, c'est un jeune Lorrain Patrice Traber-Seer, qui se promène sur un chemin communal, entre seigle et colza. Apercevant sous ses pieds quelques piécettes anciennes, il soulève une pierre plate et découvre un chaudron rempli à ras bord de monnaies en bronze. Le maire de Pierreville (Meurthe-et-Moselle) est prévenu. Les archéologues accourent: il s'agit d un dépôt monétaire du Bas-Empire romain, du IIIe et du IVe siècle après Jésus-Christ. Une valeur historique inestimable.
Des histoires qui redonneront espoir s'ils en avaient besoin, aux quelque 70 000 Français qui, armés de leur détecteur de métaux, traquent le butin enfoui dans les bois riches de légendes, rôdent a la pleine lune au pied d-un château fort ou d'une ruine, retournent la terre du jardin de leur grand-oncle, où, paraît-il, on aurait enterré une cassette pleine de bijoux. Les trésors? Les spécialistes estiment que la France en est truffée, de son sol à ses fonds marins, des épaves de navires richement chargés aux magots familiaux, religieux ou militaires, à moins qu'ils ne proviennent de bandits de grand chemin, d`un Cartouche ou d'un Mandrin. L'Association française des prospecteurs en a recensé près de 2 000 importants. Pour sa part. Didier Audinot, directeur du magazine «Trésors de l'histoire» et auteur du «Guide des trésors enfouis» (Prospections), a sélectionné 700 sites «à cachette», en tenant compte des traditions locales et de certaines légendes. De quoi occuper pendant des années les fanatiques de mystère et d'aventure.
Mais il y a les chasseurs au long cours et les amateurs au petit pied. Ces derniers envahissent chaque soir les plages après le passage des baigneurs et récupèrent, avec leur «poêle à frire» (détecteur de métaux), bijoux, monnaie et montres enfouis dans le sable. En oubliant souvent de les déclarer au commissariat voisin. «C'est une nouvelle forme de ramassage des coquillages, sans grosse surprise mais sans risque», indique le sociologue Paul Yonnet. Une façon, pour certains habitants du cru de prendre leur revanche sur I'invasion des touristes. Le plaisir doit être immédiat. Ainsi, le 4 juillet, un jeu a été organisé autour du lac asséché de Pareloup, près d'Arvieu (Aveyron), par son syndicat d'initiative. Une centaine d' «accros» ont ausculté le sol du lac avec leur détecteur: il s'agissait de déterrer une boîte métallique contenant 300 monnaies d'argent, ainsi que quelques napoléons. Trois Toulousains ont fini par trouver la cassette miracle après une journée de prospection acharnée. Les inscrits avaient pavé. L'un d'entre eux devait gagner. C'était moral.
Mais revenons au «vrai» chasseur de trésor. A celui qui s'obstinera pendant cinq ou dix ans sur un mystère, une énigme historique, un secret de famille. Adolescent, il s'est mis dans la peau de Jim Hawkins, Ie héros intrépide de «L'Ile au trésor». de Robert Stevenson. Il a suivi les pas de Joseph Conrad ou de Jack London, a dévoré tous les «Arsène Lupin» de Maurice Leblanc, qui sont, a en croire Didier Audinot, des ouvrages à clef. Ainsi, «La Comtesse de Cagliostro» donnerait de précieuses indications sur les richesses cachées dans les abbayes normandes du Moyen Age: Saint-Wandrille, Jumièges. En fouillant dans les bibliothèques, notre chercheur a approché tous les grands mythes qui ont fait fantasmer des générations d'adultes: I'Arche d'alliance, qui contenait les tables de la Loi, Ia quête du Graal, Manoa, Ia ville aux toits d'or au coeur de l'Eldorado (en Amérique latine). Et tant d'autres encore. Le plaisir est avant tout dans la quête...
LA TETE ET LES JAMBES
«Ce qui embellit le désert, c'est qu'il cache un puits quelque part. (...) Lorsque j'étais petit garçon, j'habitais une maison ancienne, et la légende racontait qu'un trésor y était enfoui. Bien sûr, jamais personne n'a su le découvrir. Mais il enchantait toute cette maison», raconte «Le Petit Prince», de Saint-Exupéry. En s'associant au concours de la Chouette d'or - une sculpture d'or et de diamants de Michel Becker, d'une valeur de 1 million de francs, enterrée le 21 avril dernier dans un lieu mystérieux, en France - L`Express entend encourager les maîtres en remue-méninges, les fanas des rébus, les déchiffreurs de cryptogrammes. Pendant quatre semaines, le journal donnera des indications supplémentaires afin de résoudre les 11 énigmes qui permettront de déterrer l'objet merveilleux.
Car un chasseur de trésor digne de ce nom doit être à la fois historien, paléographe et archiviste, avant de pratiquer alpinisme et randonnée, navigation et plongée sous-marine. La tête et les jambes, en somme. A moins d'être au sein d'une équipe où chacun utilisera ses compétences. Ce qui est presque toujours le cas en mer. En France, le prince des archives maritimes se nomme Patrick Lizé, lecteur infatigable de tous les documents anciens portant sur des naufrages. Voilà vingt ans qu'il écume les bibliothèques spécialisées, de Séville au Vatican, de Londres à Manille. Il a fiché et répertorié près de 25 000 épaves au fond des mers. «Je lis absolument tout, même si le courrier adressé aux ministres français de la Marine représente 400 volumes. Un indice précieux peut se trouver dans l'un de ces ouvrages. «Lizé vend certains de ses dossiers de naufrages «clef en main». «Pas à n'importe qui». précise-t-il. Et, bien sûr, il plonge lors d'expéditions qu'il a préparées, avec Henri Delauze, le PDG de la Comex, ou Frank Goddio, un homme d'affaires également passionné d'archéologie sous-marine.
Michel Bagnaud, lui, préfère jouer les aventuriers à l'étranger. Président du Club international des chercheurs de trésor - 12 membres triés sur le volet - il organise, à la demande de clients, des expéditions insolites sur l'île des Cocos (Costa Rica), où gît; paraît-il, la fabuleuse fortune des jésuites de Lima. Ou bien à la poursuite des tombes incas en Colombie. «Je fais aussi des recherches pour des particuliers en France, à condition que nous nous soyons mis d'accord sur le pourcentage que je toucherai, si l'affaire se termine bien», ajoute Bagnaud. En général, les «inventeurs» récupèrent 20% du trésor trouvé chez un propriétaire privé. Bien que ce soit inférieur à ce que prévoit la loi.
Fini, le temps où le chercheur se contentait d'utiliser sur le terrain son pendule ou sa baguette divinatoire, façon professeur Tournesol. Aujourd'hui, l'équipement a fait des progrès considérables. Un détecteur de métaux - on en vend 150 par mois à Paris - envoie des ondes dans le sol, qui se réfléchissent si elles rencontrent une masse métallique. Avec un appareil à 1500 francs, on peut repérer une pièce de monnaie à 20 centimètres de profondeur un coffre à 1,50 mètre. Un modèle à 9 500 francs va jusqu'à 3,50 mètres et indique la nature du métal détecté: or, argent, fer. Joujou encore plus sophistiqué, le magnétomètre signale la présence de souterrains, en analysant les variations du champ magnétique. «Au total, j'ai pour 250 000 francs de matériel», reconnaît Didier Audinot. Il fait partie de la centaine d'accros qui consacrent leur existence à traquer les vestiges du passé. Pour ces aventuriers de l'aube du XXIe siècle, l'avenir est donc plein de promesses. Progrès oblige, les découvertes s'annoncent plus nombreuses et plus riches que celles d'hier.
Les trouvailles les plus étonnantes? Aux innocents les mains pleines: en 1954, des louveteaux qui s'amusaient à un jeu de piste autour de l'abbaye de Saint-Wandrille (Seine-Maritime) descellent certaines pierres gravées d'un signe. Ils trouvent 500 louis d'or extrêmement rares dans trois jarres en terre cuite. La vente rapportera 3 310 000 francs de l'époque! Une moitié pour les louveteaux, l'autre pour les moines. Le hasard, toujours: rue Mouffetard, à Paris, un terrassier espagnol met au jour, en 1938, 3 000 pièces d'or à l'effigie de Louis XV, cachées par le sieur Nivelle, écuyer du roi. Par un testament qui accompagnait le trésor, celui-ci léguait cette fortune à sa fille Anne-Louise. Il a fallu des années pour que l'on retrouve les 80 héritiers de cette femme. Seulement voilà: pour quelques heureux élus, combien de perdants laissent leurs économies et attrapent courbatures et lombalgies à force d'escalader les vieilles pierres ou de se glisser dans des souterrains pour nains. Mais, lorsqu'on est touché par le virus sacré, peut-on vraiment s'en débarrasser?
Nullement découragés, les reporters de L'Express sont allés enquêter dans le village de l'abbé Saunière, à Rennes-le-Château. Ils sont partis à la recherche de l'épave royale du «Télémaque», à Quillebeuf, de l'or des républicains espagnols, à Saint-Cyprien. Sur la piste des templiers et sur celle des cathares, ces «dissidents» de l'Eglise catholique. Leurs conclusions? Ce ne sont plus les chercheurs d'or qui hantent les sites à trésor. On y rencontre des mages, des radiesthésistes ou des spiritualistes, parfois de doux illuminés ou de fervents mystiques. Peu importe le silence des pierres, pourvu qu'on ait la foi.